Short Nouvelle #19 – Cupcake

Son regard était posé sur moi comme une mouche sur du lait sucré. Je ne savais pas si cela exprimait un réel désir ou le simple goût de la nouveauté. J’avais l’impression d’être une source possible de plaisir, mais plus du point de vue du chocolat fondant que de l’être sexué. C’est ça. Pour la première fois, j’étais considéré comme un aliment. J’allais être mangé. J’étais cette belle pâtisserie que l’on n’avait jamais osé s’acheter. Le jour était enfin venu de la consommer.

Un cupcake. Certaines personnes le mettent directement dans leur bouche. D’autres prennent le temps d’enlever doucement son emballage sulfurisé. C’était le cas de l’être disposé à m’engloutir ce jour-là. Je fus donc écorché avec une infinie tendresse, prêt à être ingéré. Mes peaux mortes restées accrochées au papier furent même léchées. Il ne fallait pas gâcher. Me voilà nu et très appétissant, il semblerait. Dans sa bouche, ma cervelle est aspirée, comme le jaune d’un œuf gobé.

Cet abandon définitif fut un rêve réalisé. La lente mastication de chaque bout de mon être était un délice. Se sentir broyer par gourmandise, n’est-ce pas une fin honorable pour un être humain sans consistance ? Je ne me suis jamais senti aussi important que le jour où mon existence fût niée. Pour une fois que j’avais du goût ! J’étais maintenant prêt à être digéré et cette ultime déglutition fut pour moi comme une extrême-onction. Illuminé, je dérivais vers un paradis d’acides gastriques canoniques.

Je me dissolvais avec passion quand la réalité de ma situation se fît violemment ressentir. La douleur ne fut pas physique, elle fut psychologique. Et autant le dire tout de suite, mais la psyché d’un cupcake est très limitée. Deux options s’offraient à moi : l’ascension énergétique ou la résurrection fécale. Je n’en étais qu’à l’orée de l’intestin et cinq mètres de grêle m’attendaient. Je tremblais à l’idée qu’il me faudrait plus de quatre heures pour connaitre ma destinée.

Je n’eux pas de chance et l’extase moléculaire me fut refusée, ce qui restait d’inutile en moi fut dirigé vers le colon et mon âme avec. Pendant cinquante heures, je ne pus que me résigner. De cupcake adoré, je devenais un tas de matières encore plus dispensable que mon tas de matière humaine. Mais cela me permit de relativiser. Comment cela aurait-il pu en être autrement ? Lorsque la béatification ne vous est pas accordée, il ne vous reste plus qu’à accepter votre bas monde quotidien.

Ça y est, je sens que ça pousse. Je vais retourner à ma condition de mortel insipide. Mais bon ce sera toujours mieux que résidu, car, finalement, même le meilleur des cupcakes finit en partie aux toilettes, alors autant rester humain, après tout. Ce n’est pas si pire… C’est ce que je me dis en jetant un dernier regard au fondement de l’âme humaine qui m’honora en me choisissant moi. Je lui adresse mes meilleures pensées avant que la chasse ne soit tirée.

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