Excuse-moi, pour tout ce que je t’ai fait endurer et pour la suite, mais je n’avais pas le choix. Si je ne trouvais pas l’argent vite, notre avenir était foutu. Et vu ma condition physique, personne ne voulait de moi pour un boulot. Et c’est pour ça que j’ai fait cette connerie. Tout le monde est parti ou mort autour de moi. Il ne me reste plus que toi. Cette banque, c’était ma seule solution. Plus tard, tu me diras sûrement qu’on a toujours le choix… Sûrement.
Je l’ai fait pour toi, ma chérie…
Je ne veux pas te culpabiliser en disant cela, c’est juste que je veux me faire pardonner. Évidemment. Mais sache que je n’aurais jamais fait de mal à personne. Mon arme était fausse de toute façon. Je pense d’ailleurs que la guichetière l’a grillée dès que je lui ai mise sous le nez. Elle était plutôt cool la guichetière d’ailleurs. J’ai bien vu qu’elle compatissait à mon malheur, sûrement à cause de mon état. Il suscite beaucoup d’empathie. Il n’y a que toi qui ne l’as jamais vu.
Je l’ai fait pour toi, ma chérie…
C’est aussi ce que j’ai hurlé aux flics quand ils ont débarqué. Ils ont dû mettre cinq minutes. À croire qu’ils avaient repéré mes déplacements avant même que j’arrive à la banque. Je m’y attendais un peu à vrai dire. La détresse m’a fait faire n’importe quoi, mais je ne suis pas débile pour autant. C’est con, mais c’était la première fois qu’on intervenait aussi rapidement pour un truc qui me concernait… C’est pathétique, mais j’en ressens même une certaine fierté. Excuse-moi, je ne devrais pas te dire ça.
Ils m’ont hurlé dessus en me demandant de lâcher mon fusil à pompe, ce que j’ai fait tout de suite. Il s’est cassé en deux sur le carrelage en faisant crac. Un crac en plastique. Un casse en plastique. Pitoyable. J’ai bien senti qu’un des deux flics aurait bien aimé se servir de son flingue, vu comment il a fait valdinguer mon corps contre le comptoir pour me menotter malgré mon état. L’autre était plus cool, je voyais bien qu’il avait les boules. Un truc de classe social, peut-être. Faut qu’il change de boulot…
Je l’ai fait pour toi, ma chérie…
Et je regrette. J’en ai pris pour quatre ans avec sursis. Ça aurait pu être pire, mais tu es une circonstance atténuante. Mes responsabilités envers toi, tout ça… Et puis, ma condition physique, bien sûr. J’espère que quelqu’un d’autre s’occupera bien de toi. Ta vie sera toujours mieux que si tu étais resté avec moi. La preuve. Regarde dans quoi je t’ai entraînée, ce n’est pas une vie. Je souhaite seulement que tu ne m’oublies pas trop. Que ta nouvelle vie ne remplacera pas trop la mienne.
Je l’ai fait pour toi, ma chérie…
Je te le répète une dernière fois avant qu’on m’emmène à la clinique pour te faire sortir. Je voulais que tu arrives dans les meilleures conditions, que tu puisses grandir dans un minimum de confort. Je voulais pouvoir m’en sortir sans ton père qui nous a abandonnées. Je suis ta mère et j’espère que tu le sauras un jour. J’espère que tu comprendras ce que j’ai fait, tu ne seras même pas obligée de m’excuser. Tu ne seras même pas obligée de m’aimer. Tu ne seras même pas obligée de me juger.
Porte-toi bien ma fille. Porte-toi bien mon amour. À bientôt.