– Bon, on s’en reprend une ?
– Allez !
Camille et Balthazar font signe au serveur en levant leur pinte dans sa direction. L’employé confirme le message reçu par un hochement de tête.
Balthazar relance la conversation.
– Et au taf, ça se passe comment pour toi ?
– Oh ça va. La routine… Maintenant qu’on est dans les nouveaux box d’inclusion, c’est encore plus simple. Du coup je passe mon temps à appuyer sur des boutons. Mais ce qui est cool, contrairement à ceux qui bossent à l’appareillage, c’est que moi, les lumières de ma console changent tout le temps. J’en vois de toutes les couleurs !
L’alcool aidant, ce mauvais trait d’humour les fait rire.
Camille interroge à son tour son ami.
– Et toi alors ? Ta chaîne YT, ça va comme tu veux ?
– Bof, j’atteins à peine les 10 000 abonnés. Faut dire que le traitement thermique des schémas de basse pression, c’est un peu un sujet de niche. Mais bon, grâce à mon blog sur les dérives systémiques de la concentration armée dans les films d’horreur du 20e siècle et mon Instasnap sur les collections de tétines en substrats polymères, je m’en sors avec la moitié d’un SMICAD. Avec le revenu U, ça me permet de payer le loyer de mon 6 m2.
– Cool… Et, dis-moi, ton truc sur les tétines là, c’est pas un peu… euh… controversé ?
Blthazar sourit.
– C’est sur les tétines de traites agro pour la base du lait synthétique. Rien à voir avec les gosses. T’inquiètes.
Camille est rassuré.
*
Les deux amis discutent devant le bar holo en attendant leurs VTC automatiques.
Camille accuse visiblement le coup de l’alcool.
– Putain, je suis torché. Je ne vais rien comprendre demain.
– Bah ! Tu n’auras qu’à improviser. Comme si tu étais devant un grand piano laser.
Camille regarde Balthazar par en dessous.
– Tu veux que je me fasse virer ?
Balthazar rit.
– Mais non… C’est juste que je voudrais que tu puisses avoir un peu plus de folie dans ton boulot. Moi je ne pourrais pas faire ce que tu fais, trop répétitif.
– Ouais, ben moi je ne passe pas mon temps à parler de trucs qui n’existent plus ou à me branler sur des bouts de nichons en plastique…
Balthazar, atterré, regarde Camille avec sévérité.
– Tu n’as rien compris à ce que je fais.
– Toi non plus.
*
Balthazar observe les LEDs de la ville défiler à travers le toit-fenêtre du véhicule électrique. Il regrette de s’être énervé contre Camille. D’autant qu’il est heureux d’avoir un ami comme lui pour le sortir de sa bulle de communication technoweb, ça le ramène un peu à la réalité des autres. Ceux qui ne peuvent pas rêver.
Camille regarde à travers le pare-brise la route s’effacer sous la voiture. Il en veut encore un peu à son ami. À chaque fois c’est la même chose, Balthazar ne peut pas s’empêcher de lui faire une remarque sur son boulot. Mais sa colère s’amenuise vite, car cet ami reste quand même le seul qu’il a en dehors de la machine. Le seul qui a pu choisir sa vie.
Camille envoie un e-text.
« On remet ça bientôt 😉 »
Balthazar sourit.
« Sûr 🙂 »
Blade Runner revue et corrigé par Macron. C’est aussi effrayant que dans le film de Ridley Scott mais en plus les poursuites se font en voiture électrique. Putain on va crever mais en plus en se faisant chier.
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Ton commentaire me fait plaisir et beaucoup rire. Épouse moi.
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