Ou comment foutre en l’air une licence dès son deuxième opus.
Comme pour les Goonies, j’ai découvert le premier Terminator en VHS lors d’un jour de fête locatif (magnétoscope + film). Je devais avoir à peu près 12 ans quand un œil qui tombe dans un lavabo ainsi qu’un squelette cyborg écrasé sous une presse hydraulique ont fait mes nuits pendant une semaine. Un bon film quoi… Mais quatre ans plus tard, un ado de 14 ans censé en avoir dix va briser les jolis cauchemars que j’avais eus.
Et voici Jeune Connard !… Pardon, je voulais dire : et voici John Connor !
Contrairement à Star Wars ou les Goonies qui ne m’avaient pas beaucoup marqué, mais laissé un bon souvenir, je me rappelais encore très bien de Terminator 2 et de la raison pour laquelle il m’avait irrité à 16 ans quand je l’ai revu 25 ans plus tard. Cela tient en deux mots : Edward Furlong.
Je n’ai rien contre l’acteur lui-même. Je l’ai apprécié dans American History X, mais je trouve que de l’avoir choisi pour interpréter le futur sauveur de l’humanité est, au mieux, stupide, ou, au pire, une trahison mercantile. Edward Furlong n’y est vraiment pour pas grand-chose, car son personnage a été créé dans le seul but de plaire aux ados.
Nous voilà donc avec un jeune personnage central : John Connor, 10 ans. Il n’a jamais connu son père et sa mère est enfermée dans un asile. Il vit au sein d’une famille d’accueil apparemment pauvre (le père ne semble pas travailler et la mère est au foyer). Sur le papier, j’imaginerais un gamin marqué par la vie, seul et dépressif. Une espèce de Haley Joel Osment dans le Sixième Sens ou, mieux, l’équivalent masculin de Hit Girl dans Kick Ass.
Mais non, à la place vous aurez un Bart Simpson en plus con avec la gueule d’un Justin Bieber en moins moche. Du coup, j’ai beaucoup de mal à croire qu’il en a chié dans sa vie avec son moto-cross de grunge hypster qu’il conduit comme Vin Diesel dans xXx et son matos informatique qui dévalise les banques. Et puis, je ne suis pas sûr non plus que les ados déshérités de Boyz’N’the Hood (sorti la même année) disent « no problemo » ou « hasta la vista, baby ». Heureusement qu’il a son pote à mulet qu’on ne verra plus jamais pour nous faire croire qu’il fait partie des prolos.
Une des scènes qui m’a le plus marqué dans la détestation de ce personnage est celle où il découvre que le T-800 doit lui obéir : deux mecs croient que Bart Bieber se fait agresser par Schwarzie et interviennent. Bart, après avoir ridiculisé le tueur emblématique du premier Terminator en le faisant sauter à cloche-pied, en profite pour tester son nouveau jouet et lui ordonne de péter la gueule de ses sauveurs… Ouah ! Le futur leader de la résistance messieurs-dames ! Appelez-le Bart « el Che » Bieber !
Mettre un ado pour plaire aux ados, ça suffit en soi, pas besoin de faire mille blagues de merde pour montrer que l’on comprend le jeune (c’est toute la subtilité d’un Marty McFly…). Malheureusement, les conneries d’alors sont toujours les conneries de maintenant.
Larmes de croco et punchlines acnéiques
Mis à part le personnage éponyme, Sarah Connor et le recyclage (intro avec boules à éclairs et mecs à poil, Hell’s Angels à la place des punks, courses motorisées, un terminator qui se fait passer pour une mère, etc.), il n’y a pas grand-chose dans Terminator 2 qui soit commun au premier film.
Dans le premier opus, nous avions l’histoire d’un soldat (Kyle Reese) déshumanisé par la guerre qui retrouvait son humanité grâce à l’amoûûûr. C’était rêche, c’était beau, c’était simple. À la place, dans Terminator 2, nous avons :
Des sentiments bon marché
- Regardez mon visage, je pleure donc je souffre.
- J’ai 10 ans et je roule en moto, je vole du pognon, je fais frapper des innocents, je méprise ceux qui ont bien voulu m’élever, mais au fond j’ai mal à mon petit cœur, vous savez. Je n’ai jamais connu mon papa, vous comprenez… mon PAPA ! OUIIIIN !
- Sacrifice du noir. Sacrifice du robot. Et ça, c’est vachement dur pour ceux qui survivent, car c’est eux qui vont se taper un PTSD sévère, pas ces lâches qui font exprès de mourir.
- Au cas où vous ne comprendriez pas bande d’endives sans âmes, Sarah va bien vous expliquer en voix off pourquoi tout cela est vraiment très très triste.
Et du cool pour ados en manque de Biactol™
- Hasta la vista. I’ll be back. No problemo. Easy money. Deep intense.
- Des moto-cross ! Des jeux vidéo ! Des robots-jouets ! Des give me five ! De la violence presque gore ! Des guns ! Des milliers de guns ! Wouhou !
- Un des bad guy les plus iconiques transformé en nounou rigolote. Ha ! Ha ! Haaaaa !
- On a le droit de tabasser des innocents, de leur exploser littéralement les genoux et de leur briser la colonne vertébrale. Yeaaaah ! Mais attention, ils doivent rester reste en vie, hein, sinon c’est pas bien. De toute façon, pour les tueries, on a le T-1000, ce qui prouve bien que c’est lui le méchant. Youpiiiii !
Je comprends qu’un réalisateur ayant le budget le plus important de l’époque alloué à un film se sente obligé de faire bigger, stronger and louder, mais de là à trahir sa propre création… En même temps, quand un film passe de un à trois terminators (T-800, T-1000 et Sarah Connor) dont la nuance de jeu varie entre la paralysie faciale et le JE SUIS PAS CONTENT(E), cela ne laisse pas beaucoup de place à la subtilité.
James Cameron a infantilisé sa propre création. Il est passé d’un premier opus abrupte, sombre et sans concession à un second opus où presque tous les éléments graves sont forcés ou désamorcés par une blague foireuse. L’économie de moyen du premier film avait obligé Cameron à se concentrer sur la narration et non, comme tous ses films depuis (sauf peut-être Abyss et, à la rigueur, Aliens), sur l’effet.
L’huile et le vinaigre, si on ne les mélange pas, c’est dégueu
La cohérence tonale (drame VS comédie) est pour moi ce qui est le plus raté dans Terminator 2.
La cohérence dramatique
Un des sujets forts du film est le traitement en miroir de Sarah Connor et du T-800. Sarah se déshumanise en éliminant chaque obstacle sans état d’âme pendant que son fils, Little J.C (John Connor, James Cameron, Jésus Christ, comme vous voulez), tente de donner une âme à une machine. C’est une très bonne idée, mais au lieu de traiter ces deux éléments conjointement, ils sont traités en parallèle et de manière déséquilibrée. T-800 apprend à comprendre (si ce n’est partager) l’émotion des humains grâce à son attachement pour le garçon sans jamais porter une attention réelle à la génitrice de celui qu’il doit protéger. Or, de son côté, Sarah Connor, qui a exactement le même emploi que le T-800, réalisera sa déshumanisation alors qu’elle s’apprête à tuer Miles Dyson (hou ! La méchante !) et reprendra foi en l’humanité grâce au sacrifice du cyborg #mâlealphaparfait (ah ! Enfin gentille !). En gros, c’est tout pour papa-robot-nounou, rien pour la mère, aussi badass soit-elle.
La cohérence comique
Le traitement déséquilibré des protagonistes foire aussi la comédie, car c’est comme si on essayait à tout prix de faire cohabiter Bart et Homer Simpsons avec Furiosa. Cela peut être drôle quand la narration est articulée autour de ces antagonismes (c’est le propre du Buddy Movie), mais pas quand cela sert de soupape grossièrement comique (effet « Jar Jar »). Il n’y a évidemment aucun problème à saupoudrer d’humour une histoire sérieuse, au contraire, cela permet de respirer un peu entre deux tensions et de s’impliquer encore plus dans la narration (cf. Die Hard, Fight Club, Kill Bill, Logan). Mais quand l’effet n’est pas parfaitement dosé, c’est tout le contraire qui se produit : au lieu d’être dans un bain ni trop chaud ni trop froid, c’est la douche écossaise. La mort du T-800 résume bien le ratage du film en la matière, soit un moment émouvant, juste et plutôt sobre ruiné par une ultime blague de merde : un putain de pouce en l’air.
Nous avons donc, d’un côté, papa et fiston qui s’amusent (J.C Bart Bieber qui fait de la punchline en veux-tu en voilà, T-800 à poil qui se fait mater, qui saute à cloche-pied, qui montre ses dents, qui dit hasta la vista, etc.) pendant que maman castratrice les fait chier avec la réalité (Cyberdine + apocalypse + futur). Ils évoluent chacun dans leur coin, dans leur genre (dans tous les sens du terme) et dans leur idéologie sans qu’il n’y ait jamais de réelle porosité. Et malgré les efforts de James Cameron pour créer un schéma cohérent, cela revient à transformer une parallèle en perpendiculaire sans lui demander son avis.
Terminator 2 est à Terminator l’inverse de ce qu’est Logan pour Wolverine. Mis à part un bon flipper, T2 est une déchéance. La tentative datée de faire de la violence pour tous. Le mash-up raté des Simpsons et du premier Mad Max. L’exemple ultime de la compromission assumée. C’est le film qui a transformé le rated R (int. -17 ans) américain en une vaste blague. Terminator 2 est un excellent film raté.
Classement personnel de la franchise :
- Terminator trèèèèèès loin devant.
- Terminator Salvation (le meilleur McG, c’est dire le niveau de cette saga…).
- Terminator 2 et 3 (le trois étant quand même, avouons-le, plus constant dans la connerie).
- Terminator Genisys trèèèèèès loin derrière (sans T2 cette bouse infâme n’aurait jamais existé, sachez-le…).
J’avais en tête un gros blockbuster bourré de tunes ayant abandonné son dark side pour toucher le public familial, mais cela restait un bon souvenir porté par les effets spéciaux et le pouvoir d’iconisation de Cameron. ouh là là comment tu l’a tout cassé le film. La grille de lecture est super intérèssante. Cela me donne envie de le revoir du coup. Mais du coup cela voudrais t’il dire que Conan II est raté aussi ?
J’aimeJ’aime
Merci pour la grille, mon joli Coco. Et quant à Conan II, malheureusement, je crois qu’il est aussi nul que Conan I…
J’aimeJ’aime