Les Aventuriers du Quotidien #3 : Vanessa (part.1)

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(c) Anthony Louis

Vanessa est ingénieure physique-chimie, entrepreneure et créatrice d’une des premières boutiques indépendantes de cigarettes électroniques à Paris. Voici son histoire…

Le texte est intégralement celui qui est sorti de la bouche de Vanessa. Je n’ai fait que l’arranger pour que son oralité soit lisible. Tous les passages entre parenthèses et en italique sont des précisions de ma part.

Origines

Je suis né en région parisienne à Saint-Germain-en-Laye et j’ai grandi dans un petit village, de 5000 habitants à l’époque, qui s’appelle Chambourcy. Un village calme, serein.

Mes parents étaient entrepreneurs et viennent tous les deux de parents très modestes. Papa n’avait pas de papa et sa maman était bonne à la ferme en Normandie. Donc à 14 ans, quand il a eu le droit de quitter l’école, il est parti à Paris pour gagner de l’argent pour pouvoir faire vivre sa mère. Et du côté de ma maman, elle n’avait pas de père non plus, son grand-père était cheminot, décédé quand ma grand-mère était très jeune. Elle a donc été élevée par sa maman et sa grand-mère, un peu moins dans la misère, je pense (que le père de Vanessa), mais pas dans des conditions faciles et c’était à Paris, dans le 18e. Et je crois que mes parents se sont rencontrés à la station de RER de Saint-Germain-en-Laye, alors que papa essayait de draguer une amie de maman. Ils avaient 20 et 22 ans. Mariés à 22 et 24. Leurs filles à 24-26 et 26-28.70, 72, 74 et 76 : La rencontre, le mariage, la première fille, la deuxième fille.

Quand papa s’est marié, il était commercial dans une société qui imprimait des étiquettes adhésives, donc le jour où il a lancé son business, il a lancé son business là-dedans. Il a créé une petite boîte à Aigremont, juste à côté de Chambourcy. Pendant toute notre enfance à ma sœur et moi — ma sœur est designer et fait quinze centimètres de plus, mais deux ans de moins — maman s’occupait un peu de compta et papa gérait la société. Papa a fait ça pendant quinze ou vingt ans avec maman puis il l’a fermée et ouvert une boîte plus petite où il était tout seul, parce que ce qui était le plus compliqué c’était vraiment de gérer l’humain. Puis ils ont pris leur retraite, ils sont dans le Midi. On a toujours passé nos vacances là-bas, à Sainte-Maxime, et quand on était petite et que la société a commencé à bien marcher, ils ont fait construire une maison là-bas. Ça doit être fin des années 80. Puis une quinzaine d’années plus tard, ils ont revendu la maison pour en construire une juste en dessous dans laquelle ils ont pris leur retraite et dans laquelle mes enfants passent le plus clair de leurs vacances. Au soleil.

Ma sœur et moi avons toujours eu tout ce qu’on a voulu. On a été élevées avec des grosses valeurs de travail, de mérite. C’est-à-dire que rien n’était jamais acquis, mais à partir du moment où on faisait ce qu’on avait à faire, on n’a jamais manqué de rien. On était vraiment dans un milieu privilégié. Et plus privilégié que Chambourcy pouvait l’être à l’époque. On avait une grande maison, un jardin… J’ai toujours habité mon petit village des Yvelines jusqu’à 18 ans, mais j’allais au lycée à Saint-Germain. Ceci dit, comme mes parents ont commencé à bien gagner leur vie assez rapidement, je dirais que ce qui me différenciait de mes copains à l’école c’est que j’étais d’un milieu un peu plus aisé qu’eux. Nous, on habitait une maison, alors que les copains ils habitaient dans les appartements. J’ai un souvenir marqué au fer rouge qui a fait que j’ai quitté le collège un peu plus tôt que ce qui était prévu : j’étais très très bonne élève, j’ai toujours été première de classe — parfois les profs n’aiment pas les bons élèves, mais ils ne peuvent pas le dire — et j’avais une prof qui m’avait reproché — véridique — d’avoir des chaussettes de la même couleur que mes élastiques dans les cheveux et d’être toujours bien assorti et voilà, c’était trop. Ça avait été dit sur un ton : « Toute façon, toi avec tes chaussettes de la couleur de tes chouchous, toujours bien habillée… » et je ne connais plus la fin de la phrase, mais le début était resté.

(Je lui demande si ses camarades lui faisaient aussi ressentir sa différence de classe sociale)

J’étais très sociable, j’avais plein d’amis, mais par moment je me sentais en décalage. J’ai un exemple dont je me souviens : nous avions une grande maison et dans cette grande maison, il y avait deux magnétoscopes. Et un été, il y a des voleurs qui sont venus. Ils sont rentrés par le toit, ils ont retiré les tuiles et ils ont pris les deux magnétoscopes. Ils n’ont pris que ça. Et moi je vivais dans un milieu très aisé où à l’époque qu’on ne prenne que deux magnétoscopes, c’était une très bonne nouvelle pour mes parents. Ils ont été blessés d’avoir été cambriolés, mais voilà… J’étais en vacances et, en rentrant, j’ai une amie qui passe à la maison. Et évidemment je lui raconte — à dix-douze ans, c’est l’aventure d’avoir été cambriolé — et je lui répète les propos de mes parents : « ils n’ont volé que deux magnétoscopes ». Et j’ai su après, par une autre amie, que ça avait dit derrière mon dos : « Tu te rends compte ! Cette fille de riche ! Elle dit que ce n’est rien de se faire voler deux magnétoscopes ! ». Voilà, c’était des petites choses comme ça. Ce n’était pas de l’envie, ce n’est pas ça : c’était un petit décalage de milieu social.

Après, ce n’est pas que j’étais la gosse de riche de l’école, mais peut-être qu’aussi mes amis étaient plus ceux qui avaient le moins de moyens. Mais ce n’était pas des gens malheureux, attention ! C’était juste des gens qui avaient des moyens inférieurs à ceux de mes parents. Il n’y avait personne qui était dans la misère à l’école. Peut-être, comme dans toutes les écoles, quelques cas en difficulté, mais je n’étais pas dans un milieu pauvre. C’était la classe moyenne. Les parents c’étaient des profs, des assistantes sociales… Des gens qui n’avaient pas de difficultés pour vivre, quoi. Mais à partir de la quatrième, cette espèce de décalage m’a fait demander à mes parents de partir à Saint-Germain un an plus tôt. Et À Saint-Germain (à partir de la troisième, donc), je suis rentré dans le privé et là — de par mes résultats scolaires, j’étais dans une très très bonne école privée qui s’appelle Saint-Érembert — c’était complètement différent, c’était des gens beaucoup plus aisés que j’avais eu à Chambourcy. Et là, je n’avais plus ce décalage, plus du tout. J’y ai passé quatre années super. On fait la fête et je continue à être très très très bonne élève. Et mes copains ce n’est que les derniers de la classe, je ne sais pas pourquoi… je suis comme ça. En tout cas, mes copains, ça n’a jamais été les premiers de la classe…

La suite mercredi prochain.

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