Short Nouvelle #46 – Sable à perpétuité

 

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C’était inévitable. Chaque colonie de vacanciers avides continuait d’affluer. Il n’arrivait pas à contenir ce torrent insatiable de boue humaine qui venait souiller sa plage. Il saisissait alors sa pelle, son seau et construisait un château de sable à la douve imprenable afin que tous ces barbares ne viennent pas détruire ce qu’il avait de plus cher au monde : sa fierté d’appartenir à un sol, aussi meuble soit-il. Quatre tours, quatre murs et lui, au milieu, prêt à se défendre jusqu’à la mort.

Mais il avait beau résister contre l’envahisseur, cela ne changeait rien. Ils plantaient leurs parasols immondes, étalaient leurs serviettes infâmes et, comble de l’horreur, trimbalaient leurs glacières pleines d’œufs, de bière et de saucissons. Sans parler de la marmaille hurleuse qui accompagnait en nombre ce dégoût estival. Ils s’éparpillaient comme des mouettes nues et s’esclaffaient dans l’eau pisseuse de leur énergie bruyante. Il essayait de leur lancer quelques galets, mais les démons n’en avaient que faire.

Épuisé, isolé et sans munitions, il s’assit au milieu de son fort et pleura. Toutes ces années de lutte sans répits contre ces immondices sur pattes qui venaient gâcher ses congés payés. Il fallait qu’il trouve une solution radicale. Une vraie. Une finale. Il connaissait un type qui connaissait un type qui pouvait avoir ce qu’il fallait. Il se redressa avec un sourire tellement déformé que, pour une fois, il fit peur aux rares personnes proches de sa construction éphémère.

Il appela son contact et passa commande. Il dut attendre une semaine avant de pouvoir aller récupérer son achat. Pendant ce temps, il fomenta. Il fomenta si fort que son imagination dépassa ses fantasmes. Ses rêves morbides allaient enfin devenir la réalité cauchemardesque qu’il désirait tant. Il en ressentit une si grande excitation que sa frustration permanente finit par s’apaiser. Ce serait bientôt le silence sur sa plage, dans sa ville, dans son pays, dans son monde.

Après l’avoir récupérée, il déposa délicatement l’arme automatique sur son lit. Elle était belle, froide et solide. Exactement comme il l’avait imaginée. Il la prit dans ses bras et la caressa. Même si l’amour qu’il ressentit immédiatement pour elle ne pouvait être réciproque, il savait qu’ils allaient vivre un grand moment. Ce serait un de ces événements qui scellent à jamais une relation. Et cette union se ferait dans le sang des indésirables, des inutiles et des parasites. Il ne pouvait plus se retenir, il l’embrassa.

Il attendit que la plage soit pleine. Toute la fange honnie était là. Il en bavait, tellement le goût de la victoire était fort. Il s’avança tranquillement au milieu de la masse grouillante et sortit doucement son arme. Il ôta le cran de sécurité, et avant que quiconque ne réagisse, il tira. Le recul de l’arme fut si puissant que cela l’assomma. La balle partit loin dans le ciel, loin dans la mer. Il se réveilla dans un monde bien loin du sien. Un monde bien plus étroit, froid et hostile. Il ne revit plus jamais sa plage.

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