Publié ! #1

secours-populaire

Présentation par l’éditeur La Compagnie Littéraire

« Soixante-dix ans déjà ! Soixante-dix années que des hommes et des femmes se battent pour faire reculer la précarité qui guette chacun d’entre nous. Jamais l’incertitude de nos avenirs n’a été aussi prégnante dans ce monde où tout va trop vite, où l’humain est oublié.

Alors, des hommes et des femmes guidés par Julien LAUPRÊTRE, sous la bannière du Secours populaire français, se sont opposés à ce tsunami de la misère, et le mot solidarité a pris tout son sens.

C’est pour rendre hommage à tous les acteurs de la solidarité que ce recueil a vu le jour : il est issu d’un concours qui a révélé dix‑sept auteur(e)s qui ont raconté leur vision de la précarité et de la solidarité. Certains de ces textes sont des histoires vécues par les auteur(e)s, d’autres sont purement imaginaires, mais tous ont un point commun, ils posent la question : « Et si la solidarité n’existait pas ? »

Certaines de ces nouvelles sont finement ciselées et nous emportent vers une chute inattendue, d’autres sont décapantes et projettent le lecteur vers des mondes irréels… Mais chaque fois l’émotion est au rendez-vous.

17 textes ont été sélectionnés par un jury composé de bénévoles du Secours populaire français pour constituer un recueil vendu au bénéfice de l’association, préfacé par Patrick Poivre d’Arvor. »

Début de ma nouvelle Hors les murs :

Cela doit faire trois kilomètres que je marche sur cette route de campagne et le gamin me suit toujours. Il garde ses distances depuis que je lui ai jeté des cailloux pour qu’il arrête de me coller aux basques. Mais il est encore là. Il a toujours cet air de chiot écarté d’une portée et il continue de m’hameçonner comme si j’étais une mère ingrate. J’ai beau lui avoir expliqué que je ne voulais pas de lui et de sa gueule de Petit Prince à la rue, mais il continue de quémander des restes de mon affection. J’ai déjà un chien, pas besoin de deux.

*

Joseph est à son bureau et s’applique pour écrire une lettre d’adieu. Pas de corde à une poutre ni de médicaments en surnombre ni de gaz s’échappant d’un four ouvert, uniquement une petite valise en carton qui appartenait à sa grand-mère. Il y a mis tout ce qui lui semblait nécessaire à son voyage sans fin : trois chemises, trois paires de chaussettes, trois caleçons, un pantalon, une brosse à dents, du dentifrice, une serviette éponge, un savon et douze livres qui prennent trop de place. Cela faisait vingt-cinq ans qu’il n’avait pas écrit avec un stylo-plume, il en est à son troisième essai et il n’a presque plus de papier.

*

Il m’a jeté des cailloux ! Pourquoi il m’aime pas ? Comme si j’étais comme les autres, comme si j’avais choisi, comme si j’étais une mauvaise maladie. J’ai jamais rien fait de mal, pourtant. J’ai jamais frappé, j’ai jamais tué, j’ai jamais volé. Même quand j’étais dans le foyer la fois où il a plu toute la semaine. J’ai fini ce que j’avais puis j’ai dormi. Les gens me donnaient assez pour pas que je meure, ça me suffisait. J’ai été bien élevé, moi. Mes parents m’ont toujours dit qu’il fallait pas faire aux autres ce qu’on veut pas qu’on vous fasse. Et là, je reçois des cailloux sur la tête parce que pour la première fois depuis un an, j’essaie d’avoir un ami.

*

Vladimir n’arrive pas à entendre les mots du professeur. Ils se propagent entre ses deux oreilles comme un bruit blanc dépourvu d’attrait. Ce n’est pas qu’il ne comprend pas, mais les quelques nuages qu’il aperçoit à travers les fenêtres de la classe accaparent toute son attention. Leur progression lente et constante le fascine ; la manière qu’ils ont de se déformer petit à petit pour passer d’une image à une autre. Il n’y voit pas des visages ou des animaux, mais des mondes multicolores en mouvements. Une planète avec ses continents, ses mers et ses montagnes. Une forêt avec ses arbres, ses prairies et ses rivières. Un château avec ses tours, sa princesse et son roi.

(…)

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