Short Nouvelle #21 – Le dernier sursaut

CC Crosa (resized)

Il est dans une folie meurtrière. Il ne croit plus en rien. Toutes ses valeurs sont en train de s’écrouler. Même ce qui était mieux avant est perverti. Plus aucun repère. Plus aucune branche de l’arbre dont descendent ces singes à laquelle se raccrocher. Il ne reste plus que ceux qui pensent comme lui pour le rassurer. Il se battra jusqu’au bout avant de crever. La modernité le dégoûte autant que la perte des paradis perdus, ceux du passé qu’il fantasme et qu’il n’a jamais connu.

Sa famille unie se désagrège à cause d’une culture qui n’est plus la sienne. Il voit bien qu’il se passe quelque chose. Et même s’il n’est pas près d’être abandonné, les simples variations autour de son monolithe moral le rendent furieux. Furieux au point de vouloir détruire les yeux, les oreilles et la bouche des autres afin de garder les mains sur ses yeux, ses oreilles et sa bouche. Il croit qu’une guerre civile est imminente, ce sera eux ou nous. Le « et » n’a jamais fait partie de son équation.

Toutes les notions qu’il s’est appropriées sont devenues sa propriété. Le partage ne concerne que les siens et les siens se comptent sur les doigts d’une main. Il entend la petite musique dissonante du progrès, mais il préférera toujours l’unisson conforme de la mélodie conservatrice. Pourquoi ses parents avaient-ils droit à tout ? Pourquoi ne lui reste-t-il plus rien ? Il n’est pas responsable de sa situation et il a trouvé depuis longtemps les coupables. Les autres. Tous les autres.

Les Arabes, les femmes, les banquiers, les Noirs, les politiques, les gays, les Chinois, les patrons, les lesbiennes, les médias, les militants, les grands capitalistes, les immigrés, les transgenres, les terroristes, les socialistes, les pacifistes, les voisins, les anciens copains, les communistes, les pesticides, les géants de l’agroalimentaire, de la pharmacie, du tabac, les réfugiés, la mondialisation, la sœur, le frère. La seule chose à laquelle il ne touche pas : la terre dont sont issues ses racines imaginaires.

Au nom du courage, il a peur de tout. Il exacerbe une masculinité de film d’action pour compenser son insécurité sexuelle. Il intensifie sa détestation de la différence pour compenser son insécurité sociale. Il hurle sa haine pour combattre l’acceptation de ce monde qui avance sans lui. Il est comme un chien terrifié aboyant sa frustration contre l’inconnu sans avoir conscience de celui qui tient sa laisse. Car son problème est là, il préfère mordre les faibles plutôt que ceux qui l’ont dressé. Bon chien de garde.

C’est le dernier sursaut du fils de ceux qui ont tout eu. Le dernier souffle de l’héritier sans partage. Le dernier râle de celui qui ne comprend pas qu’il ne veut pas comprendre. S’il ne fait pas exploser la planète dans un dernier geste suicidaire, il finira dans les quelques lignes d’un livre d’histoire comme tous les autres enfants du privilège avant lui. Il deviendra l’élément « contre nature » rejeté par notre évolution. Quant aux autres, ils vivront heureux en attendant sa mort. Farewell.

Vous pouvez commenter, partager et aussi me suivre sur Twitter et Facebook.

Publicité

Une réflexion sur “Short Nouvelle #21 – Le dernier sursaut

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s