Les Aventuriers du Quotidien #3 : Vanessa (part.4)

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Vanessa est ingénieure physique-chimie, entrepreneure et créatrice d’une des premières boutiques indépendantes de cigarettes électroniques à Paris. Voici son histoire…

Le texte est intégralement celui qui est sorti de la bouche de Vanessa. Je n’ai fait que l’arranger pour que son oralité soit lisible. Tous les passages entre parenthèses et en italique sont des précisions de ma part. Les parties précédentes sont ici : Les Aventuriers du Quotidien #3 : Vanessa (part.1)Les Aventuriers du Quotidien #3 : Vanessa (part.2) et Les Aventuriers du Quotidien #3 : Vanessa (part.3).

Épiphanie

Donc ma sœur s’associe avec sa meilleure amie et elle crée sa marque (Ragazze Ornamentali). Sauf que deux designers pour gérer une société, ça ne le fait pas trop. Donc moi, en parallèle, je fais mes journées chez Coty et mes soirées je bosse pour la société qu’elles ont créée. Je m’occupe de tout ce qu’elles ne savent pas faire et ça fait beaucoup — le côté comptable, le côté calcul de prix… Je n’avais pas d’expérience non plus (dans la gestion d’une entreprise), mais j’ai un esprit qui permet d’apprendre, donc j’apprends sur le tas. Un bilan comptable, à l’époque, je ne savais même pas à quoi ça ressemblait. Eh bien, j’ai pris un bilan comptable et je me suis formée toute seule. Je suis une vraie ingénieur, quoi… J’ai l’esprit qui me permet de comprendre comment fonctionne un bilan comptable. Elles, au bout de quatre ans, elles n’ont toujours pas compris ce que c’était qu’une ligne de bilan… Après, c’est quand même tordu la compta. Moi j’arrive à le comprendre, mais je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ça marche comme ça…

Et au bout de huit mois où je fais mes journées chez Coty et mes nuits pour Ragazze, je fais une rupture conventionnelle (avec Coty) pour gérer la société avec ma sœur à plein temps. Je décide que c’est fini pour moi le salariat. Définitivement. Et à ce moment-là — on fait un peu les choses trop vite — on ouvre un showroom-boutique dans le Marais et j’y passe mes journées. Pendant trois ans à plein temps, je m’occupe avec ma sœur de faire les salons (qui ont lieu deux fois par an à Paris), de tenir la boutique-showroom, de suivre la production… Les investissements viennent de mon chômage, le salaire de mon mari, l’aide de nos parents… Tout y passe. Ni ma sœur et son amie ni moi ne nous payons pendant presque quatre ans.

C’est un autre monde que je découvre : le monde de la mode. C’est un sacré monde que je suis ravie d’avoir fui aujourd’hui. Moi j’adore apprendre, donc j’ai appris énormément de choses et ça n’avait rien avoir avec tout ce que j’avais connu avant. Tout le côté narcissisme du créateur, les défilés, les salons, le retail (trouver des acheteurs pour être exposé dans leurs points de vente), les marges, la presse… Et puis arrive ce qui arrive de temps en temps : conflit d’associés (qui n’est pas entre Vanessa et sa sœur). Grave le conflit. Et à ce moment-là, on a une petite quinzaine de points de vente dans le monde, ça ne tourne pas trop mal. Mais ce conflit d’associé met tout en veille en 2012. Tout est bloqué. Aujourd’hui la société existe toujours parce qu’elle n’a pas déposé le bilan — elle n’en avait aucune raison — mais elle est en veille. Le stock est rangé.

(Vanessa contextualise ce qui va l’amener à sa deuxième aventure entrepreneuriale : la cigarette électronique)

Avant j’allais jusqu’à deux paquets par jour. J’avais arrêté de fumer pour mes grossesses très très facilement et après avoir eu ma fille, quelques mois plus tard, je me mets à fumer une clope par jour. Pendant 6 mois. Alléluia, quoi ! Et puis une clope par jours pendant six mois, ça ne dure que six mois… et je remonte à mes deux paquets. Moi, j’aurais continué à fumer toute ma vie si je n’avais pas eu mes enfants, mais tu te dis que, les enfants, il faut qu’ils voient leur mère vieillir un petit peu, quoi… un minimum. Et je sais qu’il faut que j’arrête, c’est insupportable, il faut que j’arrête, mais je n’ai plus la motivation des grossesses. Et commence deux ans d’enfer — c’était avant 2012 — où j’essaye par tous les moyens d’arrêter. Je fais patch plus cigarette électronique. Je réussis quelques mois puis je recommence. Jusqu’au jour où je promets à ma fille pour ses cinq ans que je vais arrêter de fumer. Et je n’y arrive pas ! Donc, comme je lui ai promis, je ne le fais plus jamais devant elle. Je me cache. Ça devenait ridicule et arrêter la clope, c’était devenu mon combat… Je ne pensais qu’à ça jour et nuit. C’était effroyable. J’avais cette petite cigarette électronique qui avait la forme d’une (vraie) cigarette avec la batterie qui durait une demi-heure. Quand j’allais au restaurant, j’y allais avec mes trois chargeurs, mes dix batteries et je squattais les prises du restaurant où j’en mettais trois à charger.

Et je rentre de vacances en 2012. Pendant tout l’été, j’ai fumé des demi-clopes en cachette en les piquant aux potes… Et en rentrant à Paris, je savais très bien que j’allais recommencer. Et un jour, je suis à la maison, les enfants n’ont pas repris l’école — je bosse encore pour Ragazze, mais pas beaucoup — et je vais fumer en me cachant à la fenêtre. Et là je me dis : « Tu vas recommencer, ça suffit ! Peut-être que maintenant il y a des cigarettes électroniques qui marchent mieux ? ». Et donc je vais sur un forum pour voir ce qui existe et c’est là que je vois qu’il y a le modèle Ego C qui est sorti quelques mois avant et qui marche beaucoup mieux. Je me dis qu’il me la faut maintenant et je trouve une boutique dans le troisième qui n’est pas loin de chez moi. Et pour la première fois de ma vie, je laisse mes enfants tous seuls à la maison pour au moins une heure (en 2012, ils ont 7 ans et 6 ans). J’arrive à cette boutique et il y a un monde de malade mental. Et moi qui stresse — « les enfants à la maison ! Les enfants à la maison ! » — plus d’une heure de queue, je les appelle toutes les dix minutes… Et — c’est véridique, sur leur tête — je teste l’Ego-C et je sais, au moment où je la teste, que c’est bon, j’ai trouvé la solution pour arrêter de fumer. Je le sais ! C’est évident : je la teste, je sais, c’est bon, je suis non-fumeuse.

Et quand je rentre, je me dis : « Je viens quand même de voir une boutique où, putain, tu dépenses 75 euros, où tu n’es vraiment pas bien reçu — parce qu’il y a trop de monde — et dans un cadre où tu n’as juste qu’une envie c’est de ressortir ». Et comme ça fait quatre ans que je suis cheffe d’entreprise, je prends un papier, un crayon et je fais un petit compte de résultat en trois lignes… Et je me dis : « Ben ça tient la route, en fait, ce truc ». Je viens de trouver ce qui permettait d’arrêter de fumer — pour moi et des tonnes de personnes —, le business à l’air de tenir la route… C’est comme une révélation. J’essaye d’arrêter de fumer depuis trois ans — c’est mon combat — et là, ce combat, il pourrait aussi devenir mon gagne-pain… C’est trop beau. Et puis il y a le côté accueil aussi… Il y a tout dans ce projet. Il y a le côté faire du bien aux gens. Il y a le côté correspondre à ce que je suis. Il y a le côté chef d’entreprise. En plus ma sœur va pouvoir rentrer dans le projet, elle est designer. Elle va me faire une jolie boutique. On va changer les choses ! Et là je me dis : « Bon, évidemment tu vas regarder le projet de plus près. Tu te mets sur un ordinateur au lieu de te mettre sur un bout de papier. Et surtout tu vas te donner trois semaines ». Et je m’y suis tenu. Il fallait le faire maintenant ou pas le faire, car il n’y avait pas encore assez de boutiques pour que ce soit le pic du marché. Et elles ont été longues ces trois semaines. Je trépignais ! Donc je peaufinais mon projet, je cherchais une boutique — et comme mes enfants étaient petits, c’était obligatoire qu’elle soit à côté de chez moi.

J’ai créé la société le 25 septembre (2012) et moins de deux mois plus tard — le temps de faire les travaux — La Vaporeuse ouvrait. Pendant cette période-là, je suis allée voir les quelques boutiques à Paris et j’ai fait tout le contraire de ce que j’avais vu… Je voulais que ce soit beaucoup plus chaleureux, beaucoup plus soigné, beaucoup plus humain. Il y a beaucoup de moi dans cette boutique. Et aujourd’hui, c’est un endroit où les gens se sentent bien. Depuis j’en ai ouvert plusieurs, dont celles qui existent encore : Sainte-Maxime, le 1er mai 2013, Biarritz en juillet 2013 (en franchise à l’époque) et Draguignan en mai 2014.

La Vaporeuse, elle a tout franchi. En mai 2013, dans ses vingt mètres carrés il y avait vingt personnes en boutique et vingt personnes qui faisaient la queue derrière. On était six derrière le comptoir et on n’arrivait pas à suivre. Puis arrive ce qui devait arriver : tout le monde se jette sur le marché comme la faim sur le monde et tout le monde et n’importe qui ouvre une boutique de cigarette électronique. Le marché n’a jamais cessé de croître depuis 2012, mais quand le nombre de boutiques croît plus vite que le marché, forcément le chiffre d’affaires par boutique baisse. Et c’est très sain parce que pour nous c’était invivable : on ne donnait pas la qualité de service que je veux donner à mes clients. Je suis sûre que, malgré nos efforts, il y a des choses qu’on n’a pas bien faites à l’époque, surtout le samedi. On essayait de satisfaire tout le monde (c.-à-d. prendre du temps avec tout le monde), mais les gens ils sont furieux, ils ne veulent pas faire une heure de queue. Après il faut passer par l’étape suivante qui est toutes les attaques de la presse. Sans parler de tes confrères qui vendent de la merde 30 % plus cher que toi sans aucun conseil et qui décrédibilisent le produit, qui font passer la cigarette électronique pour un truc qui ne marche pas parce qu’ils n’ont pas vendu le bon produit, le bon matériel à la bonne personne. Donc il faut faire face à ça et aussi, forcément, il faut faire face à un chiffre d’affaires qui est divisé par plus que deux. Et tout ça dure jusqu’en 2015.

Et depuis 2015 on est enfin dans une période saine, avec une belle croissance, avec un peu de stabilité. Ça fait du bien un peu de stabilité. Et là ça fait deux ans pile qu’on est bien. Qu’on n’est pas tous les jours en train de se dire « comment je vais trouver (et payer en avance) du stock » ou « qu’est-ce que je vais faire de mon stock » ; « faut que j’embauche » ou « faut que je débauche »… Maintenant les mauvais sont partis. Aujourd’hui, moi je considère que 80 % des boutiques — alors après, avec plus ou moins de qualité ; évidemment, La Vaporeuse c’est la meilleure, hein, bien sûr… – sont des gens sérieux qui savent ce qu’ils font, qui vendent du matériel de qualité, au prix correct, avec le bon conseil… Mais on a été jusqu’au ratio inverse : 80 % de tocards.

(Je lui demande si elle a été la première à Paris à avoir créé une boutique de cigarettes électroniques « cosy » et personnalisée)

Je suis sûre que j’étais la première. La seule qui pouvait s’en rapprocher, c’était une boutique dans le neuvième. Mais non, une boutique cosy, j’étais la première. Il n’y en avait pas. Et le côté cosy, je revendique très très fort qu’il n’est pas seulement dans le cadre, qu’il est aussi dans la qualité de l’accueil, dans la qualité de service, dans la qualité des produits – mais ça, les produits, c’est un minimum. C’est comme ça que je parle tout le temps de La Vaporeuse : ce n’est pas que « c’est joli », c’est aussi « on s’y sent bien ».

(Pour finir, je lui demande comment elle fait pour se dégager du temps en dehors de son travail)

J’ai l’impression d’avoir plus de temps maintenant alors que j’ai plus de travail qu’avant. Après, il y a un truc, c’est que plus j’ai de boulot, plus je suis efficace. Je travaille mieux sous la pression. Je travaille très très très vite. Et surtout je travaille quand je veux. Je peux aller chercher mes enfants à l’école. Je travaille aussi souvent à la maison, donc je les vois. Du temps avec eux, j’en ai plein. Du temps à côté d’eux, j’en ai plein aussi. Je peux travailler de sept heures à dix heures et aller déjeuner avec une copine avant de me remettre à bosser plus tard. Je peux bosser le soir. Au mois de juin, j’ai fait ma semaine de parachute. Je n’ai pas de contraintes d’horaire. Je dors peu et je travaille beaucoup et très vite, donc j’arrive à avoir du temps. Je fais plein de choses, je rencontre plein de gens et, même, je vois encore mes amis ! Après, en quatre ou cinq ans, je n’ai vraiment déconnecté (du travail) que deux fois. Parce que je réponds toujours au téléphone ou je gère les urgences même si je fais d’autres choses à côté, du coup je ne sépare pas vraiment. Mais par contre, si un jour je dois choisir — et cela m’est déjà arrivé — il n’y a pas le moindre doute : je choisis ma vie personnelle.

Pour finir, voici une petite liste de verbes qui guident la vie de Vanessa :

  • Aimer
  • Apprendre (ou Explorer ? Découvrir ?)
  • Surprendre
  • Respecter
  • Lire

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